GameplayOn pourrait penser que c’est du survival-aventure assez classique, avec l’habituel arbre à compétences, les approches furtives ou autres interactions avec la physique du décor. Certes, le jeu ne mise pas vraiment sur l’originalité là dessus. Objets à usage unique, pas d’auto-regen, inventaire sauce survival… on est en terrain connu là dessus.
En gros, vous prenez le premier TLOU et vous le mélangez avec Rise of the Tomb Raider et les Resident Evil modernes. Le tout agrémenté de semi-open world par endroit.
Mais en revanche, force est de reconnaître que c’est fort bien mis en œuvre. On peut varier son style de combat comme on veut et certains gunfights prennent vite un aspect stratégique des plus réussi. On prend plaisir à faire diversion pour diviser les groupes un peu trop compacts, distraire les chiens qui s’approcheraient un peu trop, ou envoyer les infectés sur nos adversaires pour qu’ils se chargent du boulot à notre place. Il y a d’ailleurs une belle foule d’interactions possibles avec l’environnement pour se faciliter la tâche.
Le fait qu’il y ait 3 écoles différentes d’approche vers les soldats de la WMF, les Séraphites ou les Infectés est également appréciable. Chaque type d’adversaire nécessite d’adopter une stratégie spécifique pour survivre sans trop d’encombres. Là dessus c’est très bien fichu. Et pour ne rien gâcher, l’IA alliée est plutôt intelligente pour une fois. Elle arrive sans problèmes à suivre en toutes circonstances et prend souvent ses propres initiatives en autonomie.
On ressent également la physique des personnages dans leurs déplacements.
Un exemple très concret avec la séquence dans l’immeuble où Abby a le vertige : cela a une incidence sur le gameplay, car elle se déplace bien plus lentement et de manière mal assurée. Il y a un côté très organique dans ce genre de gameplay.
Le jeu mise aussi énormément sur le loot et les interactions avec les maps parcourues. C’est très vivant et il y a beaucoup de choses à faire et à découvrir. Upgrader ses armes, en crafter des nouvelles… là dessus le jeu est très complet.
Comme dans beaucoup de jeux d'aventure modernes, le HUD est quasiment entièrement absent et votre prochain objectif sera toujours suggéré de manière indirecte. La caméra qui se centre sur un point d'intérêt, un dialogue donnant certaines informations clés... Il y a un souci de ne pas casser l'immersion qui est très appréciable.
Il y a aussi parfois quelques petites énigmes environnementales qui permettent de varier un peu le gameplay. (Balancer un câble électrique par dessus un mur, se servir d’un chariot comme bouclier…) On n’atteindra pas le génie d’un Zelda ou un jeu Ueda, mais c’est plutôt sympa et bien amené.
Après, comme souvent soulevé dans les tests, le game-design est certes très ingénieux, avec un côté semi ouvert qui est plutôt bienvenu. Mais on retrouve aussi beaucoup de recyclage et les phases de gameplay sont parfois longues et répétitives.
Surtout dans le premier arc du jeu, qui est long et plutôt poussif à force de vouloir trop s’ouvrir. Le deuxième est plus linéaire et concis, et ça m’a davantage convenu au final : on va davantage à l’essentiel.
Un peu trop de ficelles de game-design aussi :
Tel mécanisme qui n’apparaîtra pas avant que tu ais vaincu tel boss, les détours forcés, la barque providentielle qui apparaît comme par magie...
Même chose pour l'immeuble lors de la quête pour les médicaments, qui fait vraiment immeuble de jeu vidéo. On ne peut pas traverser le rez-de chaussée directement ? Tant pis, on va se taper la montée jusqu'au (évidemment) dernier étage, puis redescendre de l'autre côté. x)
Un peu trop de séquences ressemblantes dans les gunfights et de recyclage aussi. (Hôpital, égouts, bâtiments identiques...) Surtout l'arc d'Ellie où on voit un peu toujours les mêmes décors dans Seattle.
Les boss plutôt sympas et techniques dans l’ensemble. Sauf l’espèce de créature multi-têtes dans les sous-sol de l’hôpital. On se serait cru dans Silent Hill, ça m’a fait bizarre de voir ça dans ce jeu. Puis moi qui louais justement l’usage juste et justifié de la violence dans ce jeu… là pour le coup je l’ai trouvé inutilement gore.
Pas trop compris l’intérêt du combat contre le sniper aussi. Il apparaît comme un cheveu sur la soupe et n’a pour seul intérêt que de voir Manny crever comme une merde, sans que jamais on ne reparle de lui ensuite. Au moins le combat est sympa mais bon...
Et évidemment, comme souvent dans ce genre de jeu, quelques scripts qui n’en font qu’à leur tête et imposent au joueur de respecter une manière de faire hyper-précise. (Ces fumigènes… ceux qui ont fait le jeu comprendront. x) )
Alors que le gameplay est conçu pour encourager l’improvisation et la mise en place de stratégies adaptatives. Mais il suffit de se poser deux secondes en réfléchissant, et on se rend compte que ça n’a rien de si dérangeant. On respire un coup en observant correctement et c’est bon, l’obstacle est passé.
Enfin, ce n’est pas vraiment un défaut, mais on a un gros syndrome “Rise of the Tomb Raider” qui est présent tout au long du jeu : les deux personnages principales subissent des tas de blessures, sont aux portes de la mort 36 fois, et pourtant elles parviennent toujours à s’en sortir malgré les 5000 litres de sang perdu. Le ciel veille sur elles faut croire. x)
Le réalisme en prend un coup, et on sent bien qu’on est dans un jeu vidéo. Mais ce n’est en aucun cas gênant, ce sont les limites logiques du média.
VisuelsQue ce soit sur un plan esthétique ou purement visuel, le jeu est vraiment une gifle. C’est un enchantement permanent. Mention spéciale pour la flotte, c’est probablement la plus réussie que je n'ai jamais vu dans un jeu vidéo. Ainsi que la séquence à cheval dans la capitale Séraphite en flammes, qui pourrait presque être une démo next-gen.
C’est une claque technique, qui n’a rien à envier à la plupart des jeux PS5 montrés il y a quelques semaines. (Seuls Horizon 2 et le remake de Demon Souls me semblent au dessus, et encore…) Les éclairages sont également au top. On pourrait presque croire qu’on a déjà du Ray-Tracing tellement c’est bien foutu. Si vous avez un écran HDR, ça apporte d’ailleurs un gros plus.
On voit bien parfois quelques textures un peu limites quand on zoome très près, mais il faut vraiment le vouloir.
On sent juste que parfois, le jeu en fait un peu trop. Notamment avec les nombreux plans de carte postale. Qui sont certes très jolis, mais un peu trop nombreux.
Oh, regarde cette ville comme elle est jolie ! Oh, regarde donc ce beau paysage idyllique ! x)
Le jeu est très bien optimisé aussi, ce qui fait plaisir. C’est certes du 30 Fps en mode 2K, mais ça ne rame pour ainsi dire que très rarement.
Scénario et AmbianceBon, malheureusement pour Naughty, j’avais vu venir dès le début qu’Abby était la fille du chirurgien tué dans la première cinématique du jeu. Ça m'a évidemment ruiné la surprise du premier flashback au début du 2ème arc.
Mais ça sera la seule fausse note. Pour tout le reste, ils m’ont littéralement transporté. Non seulement par l’histoire en elle-même, mais aussi par la manière dont les personnages parviennent à transmettre leurs émotions, d’une manière terriblement juste et sincère. Colère, rage, terreur, détresse… difficile d’en sortir indemne.
En bref, le scénario aurait pu se résumer à une partie de ping-pong entre deux nanas qui se refilent mutuellement le boulet de la vengeance, en emportant plein de gens dans leur sillage. Mais le jeu va beaucoup plus loin que cela. C’est un jeu doux-amer tout en nuances de gris, où tous les personnages font quelque chose de grave à un moment donné.
Non seulement par le scénario en lui-même, mais également par tous les à-côté tout au long de l’aventure : les scénettes entre les combats, les éléments de décor, les textes manuscrits… tout ces petits éléments qu’il faut avoir la curiosité d’aller chercher pour en savoir le maximum. Les personnages vivent également leur vie et essayent de s’en sortir comme ils peuvent avec le système D. Que ce soit dans votre village du début de l’aventure, ou plus tard en plein milieu de Seattle.
Psychologiquement, l’aventure est évidemment très prenante. Et jamais on ne laisse le joueur dans la facilité. Mais on parvient malgré cela à garder une cohérence à toute épreuve et à respecter toujours le même leitmotiv : “À leur place, vous auriez fait quoi ?”
Et on peut se dire que c’est assez terrifiant, car au final cela justifierait tout. On est mis de manière crue face à sa propre conscience et face aux faiblesses de la nature humaine.
Mais jamais le jeu ne demande de prendre partie et de dire “amen” à la violence déchaînée. Ce n’est pas contradictoire de ne pas accepter certaines actions. Et ça tombe bien : à aucun moment on ne vous demande d’approuver quoi que ce soit. Ce jeu ne fait aucune apologie d’aucune sorte.
La vengeance absurde est centrale dans ce jeu. Que ce soit entre Ellie et Abby, mais également entre le WLF et les Séraphites.
Les horreurs que l'on commet soi-même sont généralement vues comme plus légitimes que celles commises par les autres. On le fait pour le bien et la justice, "l'autre" le fait pour le mal et doit donc payer. Tous ces humains massacrés ont également une histoire et des traumatismes. Et ont toujours une bonne raison de penser qu'ils agissent ainsi pour servir une juste cause.
Avec tout ce que cela implique. C'est un peu une grande morale de ce jeu.
Il y a clairement une volonté du studio de ne jamais aller dans le sens du joueur. ll est hors de question de le laisser dans une zone de confort. Il se confronte constamment à ses propres limites morales, et le studio fait tout pour cela.
Tu t’es installé dans une zone de confort en te convaincant qu’Abby est fondamentalement mauvaise, justifiant ainsi tout le courroux sanguinaire du premier arc ? On va te présenter l’histoire de son point de vue.
Tu as finalement compris qu’Abby a plutôt un bon fond ? On la met dans une situation où elle est à deux doigts d’achever une femme enceinte, sous le regard de terreur de son protégé qui a déjà perdu toute sa famille.
Donc clairement, le jeu est hyper prenant au niveau psychologique. C’est très bien, mais je me dis que c’est également très bien de jouer à des jeux plus légers et positifs. L’un n’empêche pas l’autre, et heureusement.
Ce jeu n’est pas pour tout le monde à ce niveau là : il y a vraiment des scènes très dérangeantes et il faut l’accepter avant de sauter le pas.
C'est violent et cru, oui.
Mais également dosé de manière à ne jamais franchir irrémédiablement le Rubicon qui me donnerait envie de lâcher la manette et les laisser seules dans leur merde. C'est qu'elles sont attachantes malgré leurs défauts ces bougresses. x)
Tout au long de l’aventure, on peut clairement distinguer une mise en miroir entre le destin des deux héroïnes du jeu :
Ellie commence en étant saine d'esprit, puis sombre progressivement dans le chaos de sa psyché avant d'être aveuglée par la vengeance. Puis le choc salutaire de la mort d'Owen et Mel la font revenir à la raison.
Abby, c'est l'exact opposée : elle commence froide et manichéenne, puis évolue progressivement en prenant conscience de la complexité des relations entre Wolfs et Séraphites, ainsi que sous l’influence de son ex et sa dulcinée qui lui renvoient une image d’ordure sans cœur. Puis le choc de la mort d'Owen et Mel la font presque replonger.
La mort d'Owen et de sa dulcinée est vraiment l'élément de bascule qui va en quelque sorte "inverser" la destinée des deux femmes.
Aurait on fait pareil à la place de Joel ? La réponse est peut être oui.
Aurait on fait pareil à la place d'Ellie ou d'Abby ? La réponse est peut être oui également. Et ça n'a rien de contradictoire.
Tout simplement car chaque personnage ignore la réalité de ses antagonistes, et adopte naturellement la sienne. Alors que le joueur, est omniscient sur toute l'histoire. Ce qui rend les conflits psychologiques d'autant plus forts. Car on sait que chacun.e a ses raisons d'agir ainsi. Mais on souhaite que personne ne meure car on s'est attaché à tout le monde malgré tout. Et ça, c'est vraiment balèze.
Au final, on en viendrait presque à considérer que les Infectés incarnent la menace la moins pesante de ce monde très sombre. Ils ne prennent jamais position et sont guidés uniquement par leurs instincts pour essayer de survivre. Oui ils sont une menace, mais au moins ils ne trahissent pas et ne font jamais rien qui soit moralement discutable : c’est juste la Loi de la survie.
Un peu de bienveillance aussi...En contraste à cette pesanteur permanente, les scènes plus calmes sont bienvenues et apportent une oasis de douceur, dans lesquelles les personnages s'émerveillent souvent sur de belles choses qui leur font briller les yeux. Le jeu ne nous montre pas uniquement un monde sombre où l’homme est un loup pour l’homme, et ce dès leur plus jeune âge.
L'aquarium décoré par un enfant parti chez les séraphites, la salle décorée pour Noël, le flash-back d'Ellie avec la visite dans le museum, son émerveillement quand elle imagine le lancement de la capsule spatiale...
Cela apporte un côté "Alcove" où on aurait presque envie de se lover en leur compagnie.
J’ai notamment une préférence pour cette scène dans le museum d’histoire naturelle, avec Ellie qui s’émerveille de tout comme une gamine : ce sont des petites choses anodines qui deviennent rares et précieuses en raison de la dangerosité du monde et de la rareté de certaines ressources. Un peu comme un truc que tu n’as qu’une seule fois dans ta vie.
Ce genre de pause bienveillante se manifeste également par certaines actions. Les séquences nostalgiques de guitare, les séances de jeu avec la chenne d'Abby ou encore les séquences où Dina prend soin d'Ellie. Ou les phases plus légères où l'humour bienveillant ne manque pas. Ce dernier n'est d'ailleurs jamais lourd et est là uniquement pour adoucir l'atmosphère pesante.
Cela permet d'approfondir les personnages et de s'y attacher. J'irai presque jusqu'à dire que ce sont mes moments préférés du jeu, car plus variés visuellement et scénaristiquement que les gunfights. Et pourtant il y a zéro gameplay dans ces phases, c'est de la balade interactive façon Dear Ester.
Mais ces séquences plus positives ne sont pas là par hasard : elles sont également là pour faire baisser sa garde au joueur et l’inciter à s’ouvrir émotionnellement en tissant des liens avec les personnages. Pour mieux le malmener plus tard, alors qu’il est devenu plus vulnérable.
Arc EllieCela ne va peut être engager que moi, mais je trouve qu’en prenant un point de vue le plus extérieur possible, les actions d’Abby sont plus acceptables que celles d'Ellie. Car elle sombre dans une rage toxique qui lui fait perdre son objectivité et met ses amis en péril. (D'ailleurs, Jesse le paiera de sa vie.)
On sent que sa colère se mêle à son immaturité de jeune adulte, ce qui entraîne des excès violents. Qu'elle est évidemment incapable de gérer au niveau psy, car elle n'est pas totalement prête à affronter les conséquences de ses actes. Elle cherche constamment un point d'ancrage mais ne le trouve jamais. Et surtout : qu’elle veuille se venger est une chose, mais surtout elle souhaite le faire à n’importe quel prix, peu importe les dommages collatéraux.
Sa relation amoureuse avec Dina lui donne cependant un côté attachant, d'autant qu'elle se confie davantage pendant ces moments et montre ses vulnérabilités. Et en se remémorant la scène d'assassinat de Joel, on sombre finalement dans la même logique qu'elle.
On comprend sa position par de nombreux procédés scénaristiques qui ne laissent rien au hasard. Notamment le fait que les dialogues après l'assassinat de Joel sont masqués par le traumatisme d’Ellie, la laissant hurler toute seule qu’elle va crever tout le monde. Et elle ne comprend donc rien de leurs motivations ni de leurs doutes. (À l’inverse de la 2ème scène de l’assassinat à la moitié du jeu, où cette fois on entend tout le monde.) Cela peut paraître un détail, mais ça a une importance majeure dans les réactions qu’elle va avoir, vis à vis de sa propre réalité. Et par écho, les réactions du joueur. (Ouais vas y, crève les donc ! Tel est la réaction que 90% d’entre eux va avoir. Dont moi.)
Par cet assourdissement des voix des protagonistes, les scénaristes ont la volonté de réduire le groupe à une "masse globale". Une masse dans laquelle chaque intervenant a une responsabilité égale. Et cela justifie le courroux d'Ellie, comme de celui qui a la manette en main.
On ne se demande même pas pourquoi les complices restent coupablement stoïques face aux coups de crosse infligés. Car de toute manière, ils sont tout autant coupables.
Le développement de l'arc d'Ellie n'aurait pas pu se faire ainsi si le joueur avait su dès le début qu'Abby pouvait finalement être assez humaine. Il devait la détester pour justifier la première partie du jeu. Donc ce décalage est logique. (Encore une fois.)
Après, je n’ai pas pu m’empêcher de certes la comprendre dans ses actes, de voir que c’est une forme d’auto-destruction pour expier sa non-réconciliation avec Joel.
Mais aussi de la trouver de plus en plus antipathique, sans pour autant la détester. Non pas car elle part dans une vendetta, cela peut se comprendre. Mais en revanche, elle est tellement égoïste… surtout avant le choc de la mort de Mel. (Après ça va mieux mais bon…)
On a l’impression que ses amis sont comme des pions pour lui permettre d’arriver à ses fins.
Et c’est aussi visiblement le point de vue de Naughty, vu qu’à la toute fin du jeu elle se retrouve toute seule. (Ça j’y reviendrai plus loin.)
À propos d’Ellie, deux grands climax du jeu :
Premièrement : La scène de torture dans l’hôpital avec Nora. Je l’ai trouvée très forte car on s’attache spontanément au personnage de Nora, dont on sait qu’elle n’a un rapport assez lointain avec l’assassinat de Joel. Elle ne fait que défendre son amie en lui étant fidèle.
Mais là où le jeu fait fort, c’est l’action du bouton à appuyer pour démarrer la séquence de torture.
Par ce procédé, le jeu fait une mise en miroir entre les scrupules d’Ellie et ceux du joueur. Tant qu’on n’appuiera pas sur ce bouton, Ellie doutera sur la conduite à tenir et rechignera à donner le premier coup. Comme le joueur devant son écran.
Deuxièmement : à la fin du premier arc, quand Ellie s'aperçoit que Mel est enceinte après l'avoir poignardée. On sent vraiment la paralysie morale et l'effroi qu'elle ressent. Car elle est d'abord humaine, et ressent alors une profonde terreur mentale. Cette humanité est un câble de survie lui permettant de se maintenir dans le monde des humains et de ne pas sombrer définitivement.
Dans un dernier souffle, Owen veut symboliquement poignarder Ellie en lui apprenant cela. Il veut la faire souffrir. Nous au moins on est morts. Mais toi, tu vivras avec cela toute ta vie. Un simple murure à peine audible, qu'Ellie croit avoir mal entendu, sous le choc. Tout comme le joueur à cet instant.
Un flashback que j’ai trouvé intéressant est celui qui explique l’origine de la brouille entre Ellie et Joel. C’est un leitmotiv qui revient tout au long du premier arc, donc j’étais curieux d’en savoir plus.
Ellie se rend compte qu’elle est bien immunisée suite à l'écoute d'un enregistrement, contrairement à ce que son mentor lui a fait croire à la sortie de l’hôpital. Elle lui demande donc la vérité.
Apprenant qu’elle aurait pu sauver la vie de plein de gens en se sacrifiant, elle le prend évidemment très mal et ne veut plus jamais lui parler, le considérant comme le dernier des égoïstes.
On peut se dire que Joel a effectivement mal agi en souhaitant garder Ellie pour lui. Mais on peut facilement le comprendre en se repassant en tête la toute première cinématique du jeu : Ellie est endormie sur une table et n’est pas au courant de l’opération à venir. Elle aurait sans doute accepté de mourir si on lui en avait parlé, mais là elle ne peut en aucun cas choisir. Aurait elle d’ailleurs seulement été d’accord ? Au final on ne sait même pas : elle se serait peut être débattue et il aurait alors fallu l’endormir de force. Une perspective pas très joyeuse, non ?
Donc, pour moi, il ne fait guère de doutes qu’une grande partie des joueurs aurait agi exactement comme Joel.
Pour moi, jamais tu ne sacrifies une gamine de 13 ans à son insu le plus total, alors qu’elle est présente pour autre chose et n’a pas conscience de ce qui l’attend. Même pour la meilleure cause du monde. Ce n’est pas négociable. Si encore on lui en avait parlé et qu’elle était d’accord je veux bien, mais là non quoi. Après, ça vient aussi de moi : j’ai un vécu personnel qui fait que je suis hyper à cheval sur la notion de consentement éclairé.
D’ailleurs, Joel réaffirme dans le dernier flashback du jeu que si c’était à refaire, il recommencerait sans hésiter.
Il y a aussi une mise en écho très intéressante entre Tommy et Abby, dans la première cinématique de chaque arc. Le premier dit à son frère : “J’aurais fait exactement comme toi.”
La seconde dit “Si c’était moi qui devais me sacrifier, je l’aurais fait.”.
Au final, tout le monde veut faire le bien à sa manière et a sa propre vision sur la bonne voie à suivre.
Arc AbbyContrairement à Ellie, même si elle a commis des horreurs, Abby est sur la voie de la rédemption tout au long de son arc. Mais l'assassinat de Joel me semble cependant moins acceptable que l'assassinat de son père au moment de l'opération. Elle l'a fait pour se venger, alors que Joël l'a fait pour sauver sa protégée. Cela rend ce dernier plus légitime à mon sens, si on met de côté la mort de Marlene de ses mains qui n'est pas du tout évoquée. Mais de son PDV, c'est évidemment très différent et compréhensible. J’ai l’impression que la mort de Joel est un point de bascule qui lui permet de solder son passé, faire son deuil et prendre en partie conscience de la manière dont est était froide et cruelle. J'ai beaucoup apprécié son évolution.
Cette rédemption apparaît comme un point d’équilibre permettant de compenser la noirceur de l’arc Ellie. C’est un arc même plutôt reposant sur certains points. (Relativement hein… assister à un génocide sur une île d’indigènes ce n’est pas non plus particulièrement joyeux.)
Après, il est évident que moi aussi, comme je pense 80% des joueurs, j’ai rechigné à me laisser apprécier Abby. Je me suis dit au début du 2ème arc :
“
Et merde, le jeu va essayer de me faire apprécier Abby alors que c’est la dernière des putes. Tu voulais te venger toi aussi ? Trop facile : Joel, lui au moins, a tué ton père pour une bonne raison et l’a fait en solo. Toi tu voulais juste avoir une revanche et tu as impliqué tes amis. Et puis le clan des Wolfs, dont tu fais partie, est antipathique, na !”
Mais bien évidemment, c’était très loin d’être aussi simple. x) Le jeu ne souhaite en aucun cas que je ne m’installe dans une zone de confort. Ni dans des concepts stérilement manichéens.
Et encore une fois, c’est là un gros point fort du scénario : parvenir à le faire comprendre par toute une suite de rebondissements. Sans faire l’apologie de quoi que ce soit. On laisse juste le joueur seul face à sa conscience.
Et pourtant, au début de l’arc elle reste bien peu aimable, malgré le flashback expliquant les raisons de sa vengeance. Elle ne moufte pas quand un autre soldat lui annonce qu’il a dû tuer un enfant séraphite. Pas plus quand le général lui annonce le génocide à venir sur leur île. Ses amis lui reprochent son antipathie. Quand on additionne ça à sa vendetta contre Joël, on se rend compte que ça sera difficile de l’aimer. Surtout après l’arc précédent où le scénario fait tout pour nous la faire haïr.
Et puis on comprend que les complices lors de l’assassinat de Joel étaient loin d’être tous d’accord sur la conduite à suivre. À commencer par Owen, principal élément pacificateur. Il veut aider Abby à assouvir sa vengeance mais est présent surtout par loyauté envers elle. Mel finit même par le regretter au point de se brouiller avec Abby, d’une manière qui restera latente jusqu’à sa mort. Owen lui, va éviter Abby comme la peste en cumulant les missions, jusqu'à celle de trop qui va le faire déserter.
Mel et Gabe ont également essayé de s’expliquer au moment de l’arrivée d’Ellie, canon pointé sur eux. Mais c’était évidemment trop tard. Ces deux personnages sont ceux qui regrettent le plus ce qu’il s’est passé à Jackson, et pourtant ce sont eux qui morfleront le plus face à une Ellie impitoyable. Triste coïncidence.
On apprécie évidemment la présence d'Owen, qui contribue à nous faire découvrir certains aspects positifs d’Abby. Et donc nous la faire apprécier malgré tout. La jalousie mutuelle entre elle et Mel est également un paramètre qui la raccroche à des préoccupations très humaines.
Cependant, j’ai eu beaucoup de mal à accrocher à la WLF. Pour ses individus et également en tant qu’institution oppressive. Leur leader Isaac parle d’un génocide futur comme si il allait chercher le pain et je trouve que nombre de leurs actions sont peu recommandables. Après les Séraphites sont loin d’être des anges, mais de là à tous les exterminer comme si ils n’étaient pas humains… Surtout quand en plus on nous dit qu’Isaac a soif de “justice” au cours du flashback avec les décorations de Noël. Ma foi, il en a une vision bien spéciale.
Bref, j’ai du mal à le voir comme autre chose qu’une pourriture malgré ses beaux principes… et c’est avec une certaine délectation que je le vois se faire descendre par Yara quelques heures de jeu plus tard. x)
Pour faire accepter un tel acte de massacre de masse, on pourrait penser qu’il faut une force de persuasion de dingue, ainsi qu’une poursuite systématique de toutes celles et ceux qui osent s’opposer à l’idée. Un peu comme dans le régime nazi ou soviétique.
Et pourtant, pas du tout. Leur grand boss n’a même pas besoin d’être convaincant ou quoi que ce soit : tout le monde a accepté cette solution de manière sereine, comme si c’était un mal nécessaire. La culpabilité de la masse qui accepte, se résigne.
En fait, je pense que Naughty a voulu mettre en place un point d’ancrage qui soit la base de la justification d’Abby (Et Gabe) à évoluer et à progressivement faire ses propres choix. Une fois de plus, il faut que le joueur puisse désapprouver quelque chose pour que cela serve de moteur à ses actions.
En revanche, d'une manière générale, j'aime beaucoup Lev en tant que personnage. À la fois innocent sur beaucoup de choses, mais aussi tiraillé entre son envie d'émancipation pour assumer sa transidentité et sa fidélité envers sa mère qu'il cherche à extraire de la secte. (Évidemment en vain.)
J'aime aussi son hésitation à dévoiler la véritable raison de son rasage de crâne, et on comprend aisément pourquoi.
J'aime bien aussi sa tendance à adopter progressivement les mêmes injures qu'Abby, haha x)
Sa présence contribue à ancrer l'histoire dans une réalité plus douce et plus humaine. C’est un personnage plein de bonté et très solaire, en contraste avec les horreurs qu’il subit. C’est le personnage positif par essence qu’on a envie de préserver et qui en bave pourtant à plein tarif.
Il est également intéressant de voir Lev continuer de prier sa prêtresse et conserver de fortes convictions religieuses. Et la façon dont il essaye d'en parler à Abby de manière positive. Malgré sa transidentité. Ce n'est pas contradictoire dans son esprit et cela permet aux scénaristes d'éviter l'écueil de la critique bête et méchante des religions.
Cela maintient également un lien avec son peuple d'origine, qui se voit ainsi humanisé au delà de son image de sectaires sanguinaires.
Le contraste entre le vertige d’Abby et l’assurance de Lev qui semble grimper sans aucun effort est également amusant à voir. Dans ce contexte c’est Abby, femme forte et musclée, qui devient complètement incompétente. Et le boulet guidé par le jeune garçon. x)
La relation d’attachement entre Abby et Yara est également très touchante. En parlant de cette dernière, sa mort est un moment du jeu particulièrement fort. D’autant plus avec la réaction de Lev, sur le fait que les anciens collègues d’Abby l’ont achevée. Et pourtant, l’urgence fait qu’il n’y a pas le temps de s’attarder… il ne sera pas possible de la pleurer ni de l’enterrer. Mais j’ai particulièrement apprécié de voir Isaac se faire descendre par une Yara puisant ses dernières forces pour permettre à son frère et à Abby de s’enfuir. Je le trouvais particulièrement antipathique donc ça m’allait très bien.
Même à la fin de l’arc, on a toujours du mal à faire le lien entre l’Abby altruiste qui a pris Lev sous son aile après l’avoir sorti des griffes d’une île en flammes, et la femme glaciale du début qui a achevé froidement Joel, sous les cris de terreur d’Ellie, puis est à deux doigts d’achever une femme enceinte. On se demande comment cela peut être la même personne. Et pourtant, c’est la réalité. Notre ressenti est complexe, tout comme la nature humaine. Le jeu en joue en permanence.
À ce propos, j'avoue que l'un des climax du jeu était justement ce moment où Abby allait égorger Dina, enceinte, pendant l'altercation dans le théâtre. On sent que Naughty Dog atteint ici son objectif : que le joueur fasse un conflit moral entre les motivations d'Abby et l'attachement qu'il ressent envers les personnages de l’arc précédent. (Ellie, Tommy et Jesse.) Il y a un décalage entre ce qu'Abby sait et voit de ses ennemis, et le point de vue du joueur qui est omniscient et connaît la totalité de l'histoire, s'est attaché à tout le monde et veut que personne ne meure. Cette assymétrie est habilement utilisée pour créer une forte tension. On sent Abby tiraillée entre la conviction des enfants séraphites sur sa bonté et le couple Owen / Mel qui l'a régulièrement mise face à ses horreurs commises. (Tu es une ordure, tout ça…) Mais elle surmonte cela et parvient à ne pas sombrer en épargnant Dina. Lev étant le point d’ancrage l’empêchant de commettre l'irréparable. Abby n'aurait pas supporté de blesser son protégé alors qu'il a déjà tout perdu.
Pour le reste de l’arc Abby, un truc qui m'a laissé un peu mitigé est la scène de sexe entre Abby et Owen. Alors oui c'est bestial, oui on sent l'urgence du désir fulgurant dans un contexte mortifère, mais tout de même... Pas grand chose ne le justifiait à part la dispute qui les as mis un peu trop au corps à corps, ainsi que le soulagement d’Abby à retrouver son ex. Après, on voit bien qu’Abby conserve toujours des sentiments à son égard, l’aime toujours et l’a quitté uniquement car elle ne se sentait pas assez bien pour lui. C’est peut être aussi une manière d’expier sa culpabilité sur l’événement à Jackson, vu la brutalité de l’acte.
Après, la dispute est bien amenée avec Owen qui met Abby face à ses propres démons, ce qui la met évidemment très mal à l'aise.
Mais on n’entend guère parler des conséquences de cette tromperie, à part une petite esclandre avec Mel. (Et puis franchement elle est dure, Owen est tout autant responsable, Abby ne l’a pas violé hein…)
Dernier Arc et fin du jeuDans un premier temps, j’avais du mal à comprendre les choix de Naughty Dogs sur cette conclusion.
On sent qu'Ellie a certes du ressentiment et que la diabre vengeresse de Tommy la fait douter. Mais je trouvais d’abord la ficelle trop peu solide pour justifier qu'elle retourne à Santa Monica pour achever Abby. Pour moi, elle avait tourné la page et le jeu aurait presque dû s'arrêter là en fait. Surtout que le renoncement d'Abby à tuer Dina aurait normalement dû rompre le cycle de la vengeance.
Pauvre Dina, j'avais trop envie de la prendre dans mes bras et de lui faire un bon gros câlin. x)
On sent qu’Ellie la chérit plus que tout et que c’est un véritable déchirement pour elle, même si elle reste stoïque sur ses émotions.
Après, l'idée que Tommy se serve indirectement d'Ellie comme son bras armé est intéressante et assombrit un personnage qu’on a toujours vu comme noble. ll est lâche car il sait qu'elle est en plein tourment et sera tentée de le faire pour lui. Je me suis même dit “Putain mais quel connard” au moment où il a fait son petit chantage affectif.
On pourrait éventuellement voir ce départ comme une volonté d’Ellie de protéger sa famille, qu’elle chérit plus que tout. Comme son bien le plus précieux. Elle ne voudrait pas laisser ses démons leur faire du mal. Pour preuve, elle a failli faire du mal à son enfant quand elle a eu sa première terreur dans la grange. Elle a également failli perdre Dina à cause de sa quête initiale.
Mais un détail casse complètement cette hypothèse : juste avant son départ, Dina lui dit qu’elle refuse de “revivre ça”. Ellie lui répond avec un air de défi : “À toi de voir”.
Dina a maintenant un gosse et Ellie ne serait visiblement pas gênée de la mêler de nouveau à la poursuite d’Abby. Et ce n’est pas comme si elle avait déjà failli y passer une fois...
Je vois donc le départ à Santa Monica comme une quête pour s’affranchir du poids de la culpabilité envers Tommy et Joel, qu’elle n’a pas su pardonner avant sa mort. Et enfin achever son deuil. C’est aussi une manière de se dire qu’elle est déjà à moitié psychologiquement détruite par ce qu’elle a vécu. Alors autant aller jusqu’au bout en espérant y trouver un apaisement. Elle sait qu’elle ne pourra pas mener une vie normale en restant sans agir. Pour elle, la mort d’Abby est la clé de sa résilience.
Je me trouve alors plutôt mal en tant que joueur. On sait qu’Abby se rend à Santa Monica dans un but noble : contacter l’île des Lucioles pour mettre Lev en sécurité, tout en respectant la mémoire d’Owen qui voulait également s’y rendre.
Et Ellie lui court après, comme une prédatrice après sa proie. Là c’est elle qui prend le mauvais rôle. Surtout que Lev risque sans doute d'y être mêlé d'une manière ou d'une autre, alors qu'il n'y est pour rien. Il n'est pas responsable du passé de sa mentor. Bref, ça m’botte pas tout ça.
“
Tu fais ce que tu veux Ellie, mais on en finit en vitesse tu veux bien ? x)”
J'avais limite envie qu'elle se fasse descendre par accident.
Et pourtant, j’acceptais l’idée au fond, malgré le malaise. Naughty Dogs a voulu nous vendre un propos sur la vengeance, ça me semble donc tout autant logique d’assumer jusqu’au bout.
En revanche, concernant le clan des Crotales, on se demande ce qu'il fout là. C'est vraiment un prétexte pour faire office d'anti-chambre du boss final. Et rien n'est expliqué sur ce qu'il se passe après l'enlèvement d'Abby. On la retrouve juste attachée à un poteau à la fin. Petite fausse note là dessus.
Mais leur leader est bien badass au moins. x)
Concernant le grand final, je sais que la fin a été critiquée mais je la trouve cohérente et logique.
La mort d’Abby aurait été incohérente avec le développement de son personnage, qui accepte son destin à la fin. En souhaitant qu’Ellie épargne Lev, elle accepte définitivement de faire passer une autre vie avant la sienne. Elle se met donc dans la peau du personnage noble dans le duo Abby / Ellie.
En parallèle, je vois également la séquence finale comme une mise en parallèle entre Ellie et les scrupules que l'on ressent. On rechigne vivement à aller au bout car on sait très bien à ce moment qu’Abby mérite bien plus de vivre qu’Ellie. L’achever pour de bon aurait donc été une rupture morale, d’autant plus après une lutte laborieuse et absurde pendant laquelle on se demande pourquoi elle s’acharne. Finalement, Ellie ressent les mêmes doutes, d’autant plus après un flash d’un souvenir où Joel lui dit qu’il faut savoir pardonner. Et préfère donc la laisser en vie après s’être effondrée en larmes.
D’ailleurs, ce duel final avait bien failli ne pas avoir lieu.
Ellie allait renoncer après avoir rejoint la mer, pleine de remords, et tourner les talons définitivement. Elle reconnaît qu’Abby n’est pas une mauvaise personne, protège Lev comme la prunelle de ses yeux, l’a déjà épargnée 2 fois et a gracié Dina.
Donc pour moi, c'est ce qu'il fallait faire : épargner les deux, après qu’Ellie se soit rassurée sur sa capacité à tuer “symboliquement” Abby. Il fallait qu’au moins une fois dans sa vie, la vie d’Abby soit entre ses mains.
On ignore ce qu’Ellie aurait gagné en achevant définitivement Abby. Par contre, on sait ce qu’elle aurait perdu : son humanité.
Petit parallèle intéressant : Abby essaye de convaincre Ellie en lui disant que Lev n’a rien à voir dans l’histoire. Exactement comme Ellie qui essayait dans le théâtre de convaincre Abby au sujet de Dina.
On constate là encore une réaction symétrique.
Je le vois également comme une référence à la dispute d’Abby avec Mel, au sujet des deux enfants Séraphites : “Sors de leur vie avant de la foutre en l’air !” Yara est déjà morte et il pourrait bien arriver la même chose à son frère.
En fait, je vois juste deux autres possibilité de fin alternative :
1) Le duel commence dans les mêmes circonstances, avec les même regrets réciproques. Mais cette fois Ellie va jusqu'au bout. Le regrette spontanément et s'effondre en larmes. Lev se glisse discrètement derrière elle malgré son état et la tue. Le cycle de la vengeance se perpétue. Mais une telle fin aurait probablement fermé la possibilité d'un TLOU 3, vu qu'Abby et Ellie meurent toutes les deux.
2) Lev meurt, mais de manière presque accidentelle après avoir essayé de désarmer Ellie en utilisant ses dernières forces. (Ellie n’aurait jamais eu le cran de le faire autrement.)
Abby passe alors en mode Berzerk malgré son état, (le joueur prenant son contrôle), et parvient à la tuer. Cette fin là aurait été tout aussi valable, et aurait fait écho au regret d’Abby d’avoir épargné Ellie une première fois lors de l’assassinat de Joel. Puis une deuxième fois au théâtre.
Mais celle qui a été choisie est très bien aussi.
Et j'aime beaucoup la conclusion, avec Dina qui ne supporte plus les démons de sa conjointe et laisse une maison vide, partant avec l’enfant, sans doute à Jackson pour retrouver la famille de Jesse. Ellie a certes soldé ses comptes, accordé son pardon envers Abby et Joel et achevé son deuil. Mais à quel prix ? Elle a perdu ses amis, la femme de sa vie, son enfant… Elle a même perdu ses doigts et ne pourra plus jouer de la guitare. Son dernier lien avec son père adoptif. Elle se retrouve encore abandonnée. Comme dans le premier épisode.
Et elle s’en va dans une direction opposée à celle de la ville de Jackson. Elle choisit délibérément de partir seule.
C'est triste mais puissant.
Le féminisme dans le jeuDéjà, on va mettre au point les choses de suite : Non, le jeu n'a pas été développé par des féminazies lesbiennes anti-blanc, comme on le voit souvent parmi les critiques négatives. Il est certes très engagé en terme de progressisme, mais à aucun moment ce genre de chose n'apparaît. (Et je sais ce que c'est la discrimination.) C'est juste de l'égalité en fait.
Alors oui, parmi les personnages principaux, il y a un ratio plus élevé d’hommes tués comparé à celui des femmes, et ils ont des rôles souvent plus secondaires. Mais pour moi, ce sont des choix narratifs assumés pour mieux mettre certaines idées en avant. Cela n’est en aucun cas une profession de foi sur la supériorité de qui que ce soit. Jamais le jeu ne prend position là dessus. Et vous pouvez chercher.
Des personnages féminins hyper-badass avec un rôle constamment actif, agissant en libre arbitre. Tuent mais aident également, soutiennent ou trahissent, sauvent bien souvent la mise à leurs collègues masculins, se remettent en question… Et à aucun moment dans leur jeu leur légitimité n’est remise en cause.
Et des hommes pas du tout condescendants (sauf pour blaguer), qui montrent aussi leurs failles et les acceptent. Les gars toxiques sont souvent des antagonistes ou très peu présents dans le scénario. (Le barman homophobe, certains collègues lointains d’Abby…)
Naughty Dogs a assumé jusqu'au bout cette volonté en mettant également un gros quota de femmes parmi les simples soldats ou les infectés.
Et cela m'a beaucoup plu, car souvent les femmes on les met seulement en tant que personnages majeurs pour se donner une pseudo-légitimité. Là elles sont vraiment partout, même en tant que simple pion au combat. Tout le monde dans le même bateau.
Le fait que les personnages ne soient jamais sexualisés, hommes comme femmes, est également positif. Il y a certes deux scènes un peu dénudées dans le jeu (Ellie et Dina dans la grange à cannabis pendant la tempête et Abby / Owen dans le yacht), mais cela s’intègre de manière naturelle sans vouloir mettre en avant un côté inutilement sexy.
On aperçoit certes une poitrine nue dans la scène de sexe avec Abby, mais c’est très rapide, furtif, et on voit bien que c’est juste pour apporter du réalisme. C’est naturel quoi, sans exagération d’aucune sorte.
D’autre part, ce parti pris féministe s’exprime évidemment d’abord chez les personnages féminins. Mais cela ressort aussi chez les personnages masculins, en terme d’écriture. Je m’explique :
Vers la fin du jeu, par exemple, Tommy ne ressent aucune gène à suggérer à Ellie d’aller faire le boulot à sa place. Il se sait irrémédiablement impotent, et ne ressens pas de honte à se voir ainsi diminué. Il y a évidemment une certaine lâcheté de sa part à demander cela à une Ellie en proie à un certain désordre psychique. Mais il la voit comme parfaitement capable de faire le boulot. Comme son égale.
Ce qui est une position complètement inverse par rapport au début du jeu : il part en solo faire sa vendetta pour venger son frère, en demandant à la mère d’Ellie de la retenir. Mais il évolue jusqu’à arriver à cette position.
Ou Jesse également, qui ne ressent pas vraiment de blocage à l’idée qu’Ellie soit la 2ème mère de l’enfant de Dina. Alors oui, la fécondation vient de lui, mais cela fait partie d’une histoire terminée. On sent évidemment qu’il se pose des questions sur son rôle, sur le fait qu’il serait le dindon de la farce, mais il finit par l’accepter assez sereinement : Un enfant c’est d’abord de l’amour, et c’est Ellie qui apportera cela à Dina. Pas lui.
Et quand il se demande si elle va décider d'avorter, il ne prend pas position. il considère qu’il n’a pas à s’en mêler. Pour lui c’est une question close qui ne le concerne pas.
Je jeu assume clairement une dissociation entre fiiation biologique et filiation sentimentale.
On a aussi le jeune Lev, personnage transgenre qui nous fait l'émancipation en rôle inversé. Il remet en cause les traditions séraphites et se rase la tête pour échapper au mariage forcé qui l'attend.
Le message du jeu est clair là dessus : le féminisme c’est pour tout le monde.
Autre moment, qui m’a fait un peu sourire : celui où Abby remet Owen à sa place en lui disant qu’il serait mieux sur place à réparer le bateau, plutôt que la suivre sur l’île des Séraphites pour récupérer Lev. C’est clairement elle l’élément fort du duo, comme on a d’ailleurs pu le constater dans certaines séquences précédentes. Et Owen ne semble pas y trouver grand chose à redire.
Je trouve d’ailleurs son personnage très intéressant : en tant qu'élément sensible du duo, c’est lui qui se rebiffe en premier contre l’absurdité de certaines actions contre les Séraphites. Il déserte et est alors considéré comme un paria. Cela le rend attachant, en contraste avec la froideur apparente d’Abby. C’est quelqu’un de bien qui sait voir la bonté en elle, au delà des apparences.
Et bien souvent, quand il y a des passages de douceur ou d’évasion dans le jeu, ce sont les personnages masculins qui les apportent. (Pas uniquement, mais beaucoup.) Owen par son idéalisme et son attention permanente envers Abby, Lev par sa douce naiveté de gosse de 10 ans, Jesse par son calme olympien...
Alors évidemment, on pourra toujours argumenter sur le "réalisme" d’Abby qui est plutôt du genre bodybuildée. Mais ça a le mérite d'être plutôt bien amené et bien fichu. Et dans un contexte post-apo, c'est plutôt logique.
Disons qu'elle est dans une limite très haute, mais rien de choquant non plus à mon sens. Et ce n'est pas comme si toutes les femmes étaient comme ça. Les autres ont une carrure plus classique. Il n’est pas obligatoirement nécessaire d’être une armoire à glace pour être une femme forte, il y a plein de manières de l’être. Et le jeu nous le montre bien.
Homosexualité et transidentitéBon, on va mettre de suite les choses au point pour le toxiquariat de JV.com :
Il est archi faux d'affirmer que l'intégralité du jeu tourne autour de la question LGBT. Et il est encore plus faux d'affirmer que Naughty a fait cela pour se dispenser de faire un scénario. Les gens qui affirment cela n'ont absolument pas joué au jeu, et ne le feront sans doute jamais.
Quand à ceux qui boycottent le jeu car ne veulent pas se voir "imposer" des personnages à identité ou sexualité minoritaire, franchement...
Difficile de savoir si il vaut mieux en rire ou en pleurer. Si je devais procéder par l’absurde et m'interdire tous les jeux avec des cis-hétéros en personnages principaux, franchement ça serait triste. Et tout le monde trouverait ça con, à raison.
On en arrive évidemment à notre couple vedette : Ellie et Dina.
L'amour entre ces deux femmes est un fil rouge contribuant à alléger l'ambiance. C'est une très belle histoire d'amour, tout en pudeur et très bien exploitée. Pas envahissante du tout, leur relation n'est absolument pas centrale dans le jeu. C'est une relation de tendresse que l'on voit dans une partie de l'aventure, et juste avant la fin. Mais ça s'arrête là.
C'est une belle histoire d'amour, tout simplement. Le fait que ça soit deux femmes n'y change rien, et ce n'est pas du tout le propos de Naughty. Les personnages homos sont parfois exploités de manière purement mercantiliste dans les films mainstream. Mais là, ce n’est absolument pas le cas. Il n’y a aucune raison de critiquer cela, sauf en ayant une homophobie intériorisée. Que ceux qui condamnent se remettent en question, le problème vient d’eux.
Syndrome Kill your Gays ? Là encore raté : Ellie, Dina et Lev survivent tous les trois.
Aucune apologie d'aucune sorte.
Aucune volonté de faire de l'angélisme aveugle en montrant qu'un couple lesbien serait plus stable qu'un couple hétéro et forcément indestructible. (Si si, je l'ai lu pour de vrai sur Twitter.)
D'ailleurs Dina s'en va à la fin, laissant Ellie toute seule. Donc là encore c'est loupé.
Et non, en aucun cas le jeu n'est une croisade de personnages SJW contre les méchants hommes blancs hétéros chrétiens. D'ailleurs, mis à part le barman du bal, il n'y a aucun personnage qui soit ouvertement homophobe. Et à la fin du jeu, Ellie obtient gain de cause en menaçant de tuer Lev, un personnage transgenre. Elle le voit juste comme une monnaie d'échange pour obtenir son duel avec Abby et se fiche royalement de sa transidentité. Et de toute manière elle n'est même pas au courant.
Les protagonistes sont donc des loups pour tout le monde, y compris les minorités entre elles. Il n'y a pas de clan de gentils LGBT contre les méchants intégristes. Ce genre de scène nous le démontre bien. D'ailleurs, les gens qui affirment cela ont une vision bien particulière de la "gentillesse", vu certaines horreurs commises par Ellie.
J'aurais été le premier à dire que ce serait stupide de la part de Naughty de partir dans ce genre de croisade. Or ce n'est absolument pas le cas, il n'y a rien de plus faux en fait. Il n'y a pas d'ennemi anti-LGBT à abattre. Ni de vision binaire de quoi que ce soit.
On pourrait certes comparer les Séraphites à des extrémistes religieux blancs. Mais là encore ce n'est pas si simple, vu que leur ethnie est d'origine asiatique. Donc pour l'analogie aux blancs chrétiens, là aussi on pourra encore chercher.
La secte séraphiste peut certes passer pour ouvertement transphobe. Mais que l'on montre que ça pose problème à certains dans le contexte d'un monde post-apo, ça n'a rien de dérangeant pour moi. C'est même plutôt logique de faire apparaître des groupes extrémistes après une apocalypse. On veut ta peau, tu essayes de survivre. Tout simplement.
On ne pourchasse pas les séraphites car ils sont intégristes et transphobes. On le fait car il faut sauver la peau du frère de Yara. Arrêtons de tout confondre et de voir la charge anti-blanc hétéro cisgenre chrétien partout.
D’ailleurs, parlons en de Lev.
Personnage transgenre qui le crie sur tous les toits, envoie les réacs se faire foutre, crache à la gueule de sa mère comme un ingrat et laisse une traînée arc-en-ciel à chaque fois qu’il pète.
Ou pas en fait. Mdr.
Pour dire à quel point c’est mis en avant d’une manière subtile et discrète : au départ, je pensais que Lev était un jeune garçon cisgenre qu'on voulait marier de force dans un couple pédéraste avec un ancien de la secte. Un peu comme un miroir inversé de sa sœur qui est destinée à être une guerrière.
Je suis parti sur cette fausse piste et il s'est passé plusieurs heures avant que je ne percute enfin sur sa transidentité. (Oui, je ne suis pas très malin parfois, haha)
En fait, les dialogues où on l’apprend m'avaient complètement échappé. Un PNJ antagoniste le deadname pendant un gunfight. On parle aussi de “Fugitives” au féminin pluriel pour désigner Lev et Yara.
Du début à la fin, son écriture le considère comme un garçon parfaitement légitime. Et Abby ne se doute absolument de rien avant la révélation. Et ne change absolument pas de comportement ensuite. Elle le voit comme un jeune gars, point barre. Pareil pour sa sœur, une fois passée sa réticence initiale où elle l’a frappé. Tout comme le joueur en fait, qui ne se doutait de rien avant de l’apprendre d'une manière qui serait presque fortuite. Donc pour les gros sabots arc-en-ciel dénoncés par certains, on repassera.
Après, j’ai lu sur le net que la manière dont Lev est considéré a quelque peu dérangé les joueurs transgenres. Je ne suis évidemment pas qualifié pour en juger, mais de mon point de vue, c'est ce qu'il fallait faire en terme de traitement dans un tel contexte.
Mais je pense peut être savoir en quoi ça a pu déranger la communauté trans. Probablement le fait que son personnage soit centré sur son propre combat pour l'émancipation et la résilience, avec toutes les souffrances qui vont avec. Ça fait miroir à leur propre vécu et ils n'ont pas forcément envie d'y être confronté dans un jeu vidéo.
Peut être aurait elle préféré que ça soit juste un paramètre comme un autre. Un peu comme l'homosexualité d'Ellie. Je peux comprendre que ça les dérange d'être visibilisés uniquement pour tirer des larmes aux cisgenres open-minded. (Dont je fais partie.)
Mais pour ma part, je vois Lev avant tout comme un être humain, avec ses propres luttes et combats. La transidentité c’est secondaire à la limite.
D'un autre côté, y a certes l'intégrisme des Séraphites qui veulent tuer Lev pour cela. Mais après tout, ce n'est pas tout rose dans un monde post-apo et il n'y a rien de dérangeant à le montrer. À ce titre, la transidentité non acceptée ne me semble pas hors-contexte dans un jeu pareil.
Et ça montre que la lutte existe dans tous les contextes. La transphobie existe IRL et le jeu la distille de manière parcimonieuse. Et l'utilise pour servir un propos.
Ne pas oublier aussi que Lev est un personnage très solaire et optimiste, dans un jeu qui lui est très sombre. Qu’il soit transgenre ou non, je pense qu’on a voulu y mettre un point de compensation en le faisant souffrir. Et ne jamais souffrir dans un jeu comme TLOU 2, ça aurait été étonnant.
Je pense surtout que Lev a un poids énorme sur les épaules, en tant que premier personnage majeur ouvertement transgenre FtM dans un jeu vidéo grand public. Son traitement est par conséquent analysé sous toutes les coutures.
Pour résumer, les scénaristes sont allés jusqu'au bout de leur idée de progressisme assumé, sans en dévier. Et là dessus on peut leur tirer le chapeau. Surtout dans un milieu privilégiant l'absence de risques et le conservatisme.
En tant que mec gay, je me dis que ça y’est : on a enfin un studio qui assume ouvertement de mettre un personnage principal avec une sexualité non majoritaire, en couple avec une personne de même sexe. Un couple sans clichés et pas enfermé dans une niche culturelle estampillée LGBT. Et un personnage transgenre en plus.
Ce n’est pas pour autant que tout le monde va le faire, mais on vient de franchir un grand pas.
The Last of Us 2, un jeu outrageusement violent ?Là encore, ce n’est pas si simple. Il ne faut pas se laisser berner sur ce point.
L’usage de la violence ne sert qu’à une chose dans ce jeu : servir de support narratif pour impliquer davantage le joueur. L’indigner, le faire douter, le dégoûter même parfois…
Elle n’est jamais utilisée pour faire du spectaculaire outrageant. Elle a toujours un but précis.
J’ai donc été agréablement surpris de voir comment le jeu utilise toujours le ton juste dans son rapport à la violence : certaines scènes sont certes très fortes, mais il y a toujours une certaine pudeur pour éviter de tomber dans l'outrance. On ne s’éternise jamais inutilement.
Il y a certes souvent des plans-séquence appuyés en nombre sur l’achèvement des ennemis, mais ça ne m’a pas trop gêné finalement. Ça reste bien moins outrancier qu’un Call Of ou Assassin’s Creed récent, ou certaines séquences choc d’un MGS V. (Coucou l’opération à vif pour extraire une bombe, brrrr…) La violence du jeu n’est pas à chercher de ce côté.
Malgré sa violence parfois extrême, le jeu tourne souvent pudiquement la caméra quand il le faut. On ne verra pas l’opération d’amputation du bras de Mei par exemple. Ni la séquence de torture sur Nora. (La caméra est fixée sur Ellie et la torture est juste suggérée avec des impacts et des cris.)
Au final, les quatre seules séquences que j’ai trouvées un peu difficiles sont l’assassinat de Joel à coups de crosse, la scène de torture dans l’hôpital, Yara qui se fait exploser l’avant-bras à coups de marteau et le chirurgien qui parle d’Ellie comme si c’était un bout de viande au service de ses projets. Cette 4ème séquence ne comporte d’ailleurs pas une seule goutte de sang, et pourtant c’est celle qui m’a le plus trigger.
Au final, la violence du jeu se trouve essentiellement dans le symbole, la pression psychologique et la relation que l’on a avec les personnages. Le sang en lui-même, c’est juste de la grenadine sans grande importance.
Oui, ce jeu est d’une violence parfois extrême, et pas à mettre entre toutes les mains. Mais pas forcément dans le sens où on l’entend d’habitude. Le jeu pourra certes vous choquer, mais certainement pas avec son excès d’hémoglobine. C’est bien plus subtil que cela.